Propositions de ReAGJIR – Juin 2020

 

 

Éditorial

Le Président de la République a annoncé le 25 mars 2020 qu’à « l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ». 

Le 25 mai le Premier Ministre Édouard Philippe et le Ministre de la Santé et des Solidarités Olivier Véran lançaient le Ségur de la Santé articulé autour de quatre piliers :

Pilier 1 | Rémunérations & carrières à l’hôpital

Pilier 2 | Investissement & modèle de financement

Pilier 3 | Simplification des organisations & du quotidien

Pilier 4 | Fédération des acteurs dans les territoires

L’objectif de ce Ségur de la Santé était d’élaborer des propositions concrètes et rapides pour le système de santé malgré un calendrier très serré.

Les jeunes médecins généralistes sont conscients des défaillances de notre système de soins et veulent pouvoir participer à son amélioration pour une meilleure prise en charge des patients. C’est pourquoi, le syndicat représentatif des jeunes généralistes ReAGJIR transmet aujourd’hui sa contribution organisée autour de trois axes prioritaires et douze chantiers.

 

1er AXE :  EXERCICE COORDONNÉ PLURIPROFESSIONNEL

Chantier n°1 Faciliter l’exercice coordonné pluriprofessionnel

            Le travail en équipe fait partie des aspirations des jeunes généralistes. A l’horizon 2022, le Président de la République a annoncé la fin de l’exercice isolé. Les négociations précédentes ont permis l’obtention d’accords-cadres interprofessionnels sur les rémunérations des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et de certaines maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) afin de fournir les moyens aux professionnels d’un véritable travail, tant sur l’accès aux soins que sur la prévention et l’organisation des parcours.

Les autres modalités d’organisation de maison de santé pluridisciplinaire et les équipes de soins primaires (ESP) sont à inclure dans des dispositifs similaires pour valoriser leur mise en place notamment sur les plans financier et organisationnel. L’échelon des équipes de soins primaires devra être pris en compte rapidement avec la création d’une rémunération inspirée de celle des maisons de santé.

La création de ces structures CPTS, MSP, ESP devra surtout être accompagnée par les ARS, les URPS et les collectivités territoriales, à la fois sur les plans financiers, administratifs et méthodologiques. Il existe un vrai besoin d’accompagnement d’initiation de projet et de soutien aux formalités administratives, souvent freins à leur mise en place.

Enfin, une simplification réglementaire devra intervenir afin de développer la mise en œuvre de protocoles de délégation de tâches, aujourd’hui d’une telle complexité que beaucoup d’équipes ont baissé les bras.

 

Chantier n°2  Améliorer la connaissance des missions et des compétences de chacun des professionnels

            Les pathologies chroniques en constante augmentation appellent à la pluriprofessionnalité. Pour bien travailler ensemble et améliorer la qualité et la pertinence des soins, il faut que tous les professionnels œuvrant à la santé des patients puissent se connaître. Même si le médecin traitant reste le coordinateur des soins, l’équipe de soin autour du patient est primordiale.

L’éducation à la santé et la prévention sont les enjeux de demain et le médecin généraliste, seul, ne peut pas assurer ces tâches.

 

Chantier n°3  Réévaluer et diversifier les modes de rémunérations

            La pratique du médecin généraliste étant étroitement liée à son mode de rémunération, la révolution des soins primaires doit aussi passer par une refonte complète des modes de rémunération. Ceux-ci doivent évoluer avec les conditions d’exercice des professionnels de santé. Une rémunération adaptée contribue à un exercice performant en prenant en compte l’ensemble des activités inhérentes à cette fonction de médecin généraliste. Une rémunération adaptée est une des conditions pour rendre attractif l’exercice de la médecine en milieu ambulatoire selon les besoins du territoire.

Comme le souligne le rapport Aubert (2019), la diversification des modes de rémunération est nécessaire pour faire correspondre à chacune de ces missions (parcours de soins, suivi patients poly-pathologiques, exercice coordonné) un ou des modes de rémunération adaptés et cohérents afin d’assurer une prise en charge de meilleure qualité pour le patient.

Afin de valoriser le travail d’équipe et l’exercice coordonné, ceux-ci doivent être rémunérés et la diversification des modes de rémunération est indispensable pour permettre ces financements. Il est aussi nécessaire que comme pour les médecins généralistes, la rémunération des professionnels de santé et acteurs médico-sociaux soit adaptée à leurs missions.

 

Chantier n°4  Inclusion des usagers et des collectivités territoriales

            Afin de fluidifier les parcours de soins, améliorer la pertinence des organisations territoriales de santé et l’accès aux soins il est nécessaire d’inclure les usagers au sein des organisations à l’hôpital comme en ambulatoire. Ceux-ci pourront ainsi aider à identifier les difficultés rencontrées par les patients au sein des parcours et les besoins en matière de santé dans le territoire.

Les collectivités territoriales jouent aussi un rôle important dans l’organisation territoriale des soins. Elles peuvent ainsi intervenir à différents niveaux : participation à la mise en place d’actions de prévention et de santé publique, soutien au développement de structures coordonnées par les professionnels de santé. Il parait pertinent de leur permettre de s’impliquer dans les projets de CPTS et de pouvoir soutenir les actions des professionnels de santé au quotidien.

 

Chantier n°5  Communication interprofessionnelle partagée

            Le travail en pluriprofessionnalité ne peut s’envisager que si les différents acteurs sont à même d’échanger aisément autour d’une situation médico-sociale complexe.
Le développement et la diffusion nationale d’un outil de communication à destination des professionnels de la prise en charge des secteurs médicaux, médico-sociaux et sociaux est indispensable.

L’accessibilité en mobilité sur smartphone ou tablette, l’ergonomie et la sécurité (agréée Hébergeur Données de Santé HDS) d’un tel dispositif sont essentielles.

Ce type d’outil doit aussi permettre une meilleure coordination ville-hôpital toujours dans le cadre d’une prise en charge globalisante et adaptée des patients.

 

2ème AXE : SIMPLIFIER ET SÉCURISER LE DÉBUT D’EXERCICE DES JEUNES MÉDECINS

Le début d’exercice est un élément clé du projet de vie du jeune médecin qui vise à atteindre un juste équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

Chantier n°6  Conventionner les remplaçants

Les médecins remplaçants sont un maillon essentiel et indispensable au bon fonctionnement de notre système de santé : ils permettent d’assurer la continuité des soins durant les périodes d’absence des médecins installés et contribuent à la permanence des soins (étude Remplact 3, 2016). Le remplacement n’est le plus souvent qu’une étape dans la vie professionnelle du jeune médecin qui permet de préparer son installation (enquête du CNOM, 2019).

Ainsi, au cours de la crise sanitaire Covid-19, les médecins remplaçants se sont largement mobilisés pour participer à la réorganisation des soins ambulatoires et renforcer les équipes. Néanmoins leur activité et leur revenu ont été fortement touchés par cette pandémie : remplacements annulés, moins de consultations et peu de mécanismes d’aides disponibles contrairement aux médecins installés.

De plus au quotidien, ils rencontrent des difficultés complémentaires qui complexifient le suivi et le parcours de soins des patients : absence d’accès aux téléservices de l’Assurance Maladie (pas d’espace Amelipro), absence de messagerie sécurisée…

Afin de favoriser l’exercice de la médecine générale libérale, il convient donc de simplifier les conditions de remplacement (démarches administratives et simplification des contrats) et d’améliorer la protection sociale des remplaçants (assurance maladie et prévoyance). Cette amélioration passera nécessairement par l’intégration des remplaçants dans le champ conventionnel, ce qui permettrait de sécuriser leur statut et de les reconnaître comme professionnel de santé à part entière (accès à l’ensemble des dispositifs et services accessibles aux médecins installés).

 

Chantier n°7  Clarifier les démarches à l’installation et les aides accessibles

Les démarches à l’installation restent obscures pour les jeunes médecins. Les structures régionales de ReAGJIR sont des interlocuteurs privilégiés pour apporter de l’information et des retours d’expérience adaptés à chaque territoire. ReAGJIR affirme qu’il est plus que nécessaire que soit réellement et rapidement mis en place un véritable guichet unique à l’installation associé à une simplification des démarches administratives. Un accompagnement jusqu’à sa concrétisation effective est la clé d’une installation durable et d’un ancrage du jeune généraliste dans le territoire.

Dans le cadre de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2020, les contrats d’aide à l’installation d’État ont été refondus, pour plus de clarté et d’efficience, en un contrat unique appelé le Contrat de Début d’Exercice. À ce jour, les modalités relatives à sa mise en place ne sont pas finalisées : critères d’éligibilité, modalités de l’aide à la gestion d’entreprise… Ce contrat est un vrai atout pour faciliter l’installation des jeunes médecins et les rassurer face à l’incertitude économique. Il est nécessaire d’accélérer la mise en place de ce nouveau contrat et de le promouvoir auprès des futurs et jeunes médecins via les ARS et les facultés.

 

Chantier n°8  Développer l’attractivité des territoires et maintenir la liberté d’installation

Accompagner une installation sur un territoire c’est accompagner un projet de vie en tenant compte de l’existence ou non d’un réseau de professionnels de santé, des services de proximité, du travail du conjoint, des enfants, etc. Ces facteurs sont identifiés comme étant les principaux déterminants à l’installation des jeunes médecins. L’installation d’un médecin est déterminante : s’il est bien dans le territoire qu’il occupe et qu’il a choisi, il peut y rester longtemps. Les jeunes médecins souhaitent toujours s’installer mais les modes d’exercice évoluent. Il faut donc pouvoir leur donner les moyens de s’installer en tenant compte de leurs attentes et ainsi pouvoir répondre aux besoins de la population. Au-delà des aides financières proposées, il est indispensable de faire découvrir les territoires aux futurs et jeunes médecins, d’accompagner leur projet de vie et de rendre les territoires plus « attractifs ».

Les problématiques d’accès aux soins actuelles sont liées en partie à un nombre de médecin insuffisant mais aussi à une augmentation des besoins de santé de la population. Répondre aux problématiques d’accès aux soins par des mesures de coercition à l’installation serait inefficace (voire dangereux pour l’attractivité de la spécialité). Pour faire face à cette insuffisance numérique, il convient de mettre en place des mesures qui permettront de favoriser et accompagner les installations dans tous les territoires et de libérer du temps médical aux médecins généralistes.

 

Chantier n°9  Faciliter l’exercice mixte

            L’exercice mixte libéral-salarié présente de nombreux attraits pour les jeunes médecins : diversité des activités (poste universitaire pour l’enseignement et la recherche, poste hospitalier de médecine générale, salariat dans une structure de soins primaires : CDS, PMI, crèche, EHPAD, EFS…) ; différents modes d’exercice coordonné, populations prises en charge différentes, fluidification des parcours de soins, facilitation de la relation ville-hôpital…


Néanmoins, les charges sociales de l’activité libérale ne permettent pas toujours de pérenniser ce type d’activité. Le choix d’un exercice mixte ajoute des contraintes organisationnelles et financières difficiles à concilier avec un début d’activité. Cela est d’autant plus vrai que le calcul de certaines cotisations sociales n’est pas proportionnel au revenu, et pénalise de ce fait les revenus libéraux les plus faibles. Un rapprochement progressif des systèmes de protection sociale du monde salarial et du monde libéral semble donc pertinent. Il est nécessaire de simplifier les conditions administratives et économiques de l’exercice mixte.

 

3ème AXE : DÉCLOISONNEMENT VILLE-HÔPITAL

Chantier n°10  Favoriser la recherche en soins primaires

            La Filière Universitaire de Médecine générale (FUMG) a vu le jour en 2003 avec la mise en place d’un Diplôme d’Études Spécialisée en médecine générale. Dans l’objectif de la poursuite de son développement, ce n’est qu’en augmentant les financements de la recherche au sein de cette spécialité que son essor s’effectuera.

Cela permettra d’améliorer les prises en charge en médecine de ville, d’accroître les actions de prévention afin de limiter les recours hospitaliers dans le cadre des complications des pathologies chroniques, et ainsi de fluidifier les parcours de soins entre la ville et l’hôpital.

Cette responsabilité de soins primaires ne doit pas relever des CHU mais des acteurs de soins primaires notamment les universités et les départements de médecine générale.

 

Chantier n°11  Favoriser le partage d’informations en stimulant le numérique en santé

            Dans le cadre d’un décloisonnement des activités entre la ville et l’hôpital, il faut pouvoir améliorer le partage d’informations entre les deux secteurs, différents mais complémentaires dans notre système de soins pour fluidifier et optimiser les parcours de soins. Ce partage d’informations passe par un numérique efficient et adapté aux acteurs de terrain.

Les différents outils numériques indispensables sont :

– un dossier médical partagé rassemblant l’essentiel des informations concernant le patient, l’ordonnance en cours, les coordonnées des différents professionnels de santé ou acteurs médico-sociaux intervenant auprès de celui-ci

– une messagerie sécurisée pour tous, accessible mais surtout utilisée par tous

– un annuaire informatisé des professionnels de santé et acteurs médico-sociaux qu’ils soient hospitaliers ou ambulatoires (numéro dédié, adresse messagerie professionnelle), maintenu régulièrement à jour.

 

Chantier n°12  Améliorer la coordination ville-hôpital

            Afin de faciliter les prises en charge et optimiser les parcours de soins, il est indispensable de renforcer l’exercice coordonné ambulatoire mais aussi entre l’hôpital et la ville. Cet exercice coordonné n’est possible que lorsqu’on connaît les compétences, les missions de chacun et qu’un système de communication efficace existe.

La coordination intervient à différents niveaux :

– par la mise en place d’un système de réseau ville-hôpital permettant la réalisation d’avis spécialisés et la programmation d’hospitalisation directe notamment dans le cadre de pathologies complexes

– par l’anticipation et la planification du retour à domicile avec les équipes de soins ambulatoires (coordonnées dans le DMP, compte-rendu d’hospitalisation transmis le jour de la sortie par messagerie sécurisée aux différents acteurs, contact du médecin traitant en amont de la sortie)

– en permettant la prise en charge ambulatoire de pathologies ne nécessitant plus de suivi hospitalier

– par la promotion de l’exercice mixte libéral-salarié ou salarié ville-hôpital afin de faciliter les échanges entre professionnels et d’optimiser les organisations territoriales.