#69 | vendredi 3 avril 2020

Au moment où l’activité présentielle chute au cabinet, où naturellement la téléconsultation fait un bond pour compenser, où les remplaçants sont sollicités de toute part par certaines plateformes, il nous semble important de faire un point sur cette pratique.

Contexte organisationnel

Réglementairement, la téléconsultation est une activité nécessitant une vidéotransmission sécurisée (Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine). Néanmoins, vu la nécessité d’une mise en place facile et rapide, le Gouvernement a autorisé l’utilisation d’applications du quotidien ne respectant pas les principes de sécurité des données de santé (Microsoft Skype, Facebook Whatsapp, Apple Facetime, Jitsi meet, etc).

L’avenant 6 de la Convention médicale (2018) permet une cotation TCG, facturée 25€, à réaliser en mode dégradé sans nécessité d’envoi de feuille de soin papier dans un premier temps, dans le respect du parcours de soins.

Pour faciliter sa mise en œuvre en situation de crise sanitaire, par décret, la notion de parcours de soins a été laissée de côté (pour le consultations en lien avec le Covid-19) et la cotation est prise en charge intégralement par l’Assurance-maladie, en précisant exonération particulière (ou EXO3 selon les logiciels). Enfin, la cotation des actes effectués par téléphone seul, sans vidéo, a été autorisée transitoirement pour les zones blanches, les patients en ALD ou suspects de Covid-19 et les patients de plus de 70 ans.

Dans tous les cas, la téléconsultation doit faire l’objet d’un rapport écrit, à transmettre dans le DMP du patient si existant. Si des incidents techniques sont survenus, ils doivent y être précisés. Doivent apparaître aussi l’ensemble des personnes présentes d’un côté comme de l’autre de la caméra.

Selon votre assureur (RCP), réaliser des actes de télémédecine peut nécessiter une déclaration ou non. Il vaut donc mieux le prévenir.

Le cas des remplaçants

Les remplaçants, thésés ou titulaires d’une licence de remplacement, peuvent effectuer des téléconsultations lors d’un remplacement libéral à condition que le médecin installé pratique lui-même la télémédecine.

Un assistanat ou un adjuvat peut également leur permettre de faire des téléconsultations (pendant que le médecin installé poursuit ses consultations).

Enfin un salariat peut être proposé au remplaçant thésé seulement, par une structure de soins, pour effectuer des actes de télémédecine.

À chaque fois, il faut absolument un contrat à transmettre au Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins et la réalisation d’actes de téléconsultation doit y être indiquée.

Quelle solution choisir ?

Ces dernières semaines ont vu se multiplier les offres de solution de téléconsultation.

Il existe deux grandes catégories de solutions :

  • des plateformes web, avec applications mobiles ou non, toutes intégrées, qui s’adressent principalement aux patients pour rechercher un médecin.

  • des logiciels, liés ou non à un logiciel métier, qui s’adressent davantage au médecin, le patient ne pouvant le contacter que sur invitation.

Auxquelles il faut ajouter les solutions de visioconférence grand public qui proposeront éventuellement de transférer des fichiers (attention à la sécurité des données médicales toutefois) mais jamais de gérer la facturation ou le compte-rendu.

Quel public ?

Une des premières questions à se poser, c’est : « Vers quel public je tends ? Mes patients exclusivement ou principalement ? Ou bien largement ouvert vers d’autres patients (idéal pour les remplaçants occasionnels) ? » Les logiciels permettent de mieux filtrer les demandes, les plateformes de se rendre visible auprès d’un large public, pour autant que la plateforme soit déjà bien connue du grand public.

Des patients âgés ou précaires, peu habitués à l’usage des ordinateurs nécessiteront une solution leur permettant de participer à la téléconsultation avec le moins de manipulation possible. Gardez en tête que pour ceux-là, même s’ils disposent d’un ordiphone, installer une application relève de l’insondable infini.

Quelles limites éthiques ?

Libre à vous de fixer vos frontières éthiques. Bien entendu, toutes les solutions se prévaudront des garanties déontologiques les plus étendues mais il ne faut pas hésiter à jeter un œil sur leur site vitrine pour les patients pour noter le discours commercial tenu.

Certains refuseront toute plateforme proposant l’illusoire accès à un médecin 24h/24 et 7j/7. D’autres refuseront les solutions ne garantissant pas la sécurité des données de santé des patients (et leur non-exploitation). Certains encore choisiront la facilité d’accès pour les patients.

Fonctionnalités

La seule fonctionnalité indispensable est la vidéotransmission.

Peuvent être également proposés, un dossier patient (rudimentaire), un agenda pour la gestion des prises de rendez-vous de téléconsultation, le paiement en ligne (inutile pour répondre à la crise sanitaire actuelle), la transmission (et le stockage) de documents et d’ordonnances, la génération de compte-rendus, voire leur publication dans le DMP, etc.

Interopérabilité

Ici, c’est facile. Aucun ne la propose vraiment puisque chaque solution repose sur des standards fermés sans communication possible avec d’autres solutions. En fait, certaines solutions grand public reposent quand même sur des standards ouverts : il s’agit généralement de logiciels libres comme Jitsi meet.

Parmi les autres, celles qui prônent davantage d’interopérabilité sont les plateformes régionales, poussées par les URPS et les ARS.

Financement

Certaines offres sont forfaitisées, parfois à la carte selon les fonctionnalités souhaitées, d’autres nécessitent l’adhésion obligatoire à un autre service. D’autres encore sont sans engagement via un prélèvement par consultation. Dans tous les cas, les montants sont très variables d’une solution à l’autre. Les plateformes régionales sont le plus souvent d’accès gratuit car financées par les URPS.

Le paiement en ligne s’accompagne souvent d’une fraction prélevée pour couvrir les frais bancaires. Là encore, selon les opérateurs, le pourcentage varie.

Préparez l’après crise en vous renseignant dès maintenant sur le financement même si la solution vous propose la gratuité aujourd’hui !

Concernant les plateformes qui embauchent des médecins pour effectuer des téléconsultations, prenez bien le temps d’éplucher les conditions de rémunérations et le contrat.

Sources d’information

Pour affiner votre comparaison des différentes solutions proposées, il vous faudra étudier le listing du Gouvernement (choisissez le tableur pour pouvoir sélectionner et trier les données), ainsi que le site Medicompare pour une description plus verbeuse – bien qu’incomplète – des services.

Il semble essentiel en choisissant une solution de téléconsultation de se projeter au-delà de la crise actuelle et de ne pas se focaliser sur les fonctionnalités offertes ou les sollicitations publicitaires. Bien au contraire, se projeter vers l’après crise en se questionnant sur la réutilisation de l’outil dans des projets territoriaux de santé permet de faire le choix qui s’adaptera au mieux à votre pratique et à vos patients.