IPA | Lettre ouverte commune et décret modifié
Lettre ouverte à Madame le Professeur Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé
Paris, le 18 avril 2018
Madame la Ministre,
Dans le cadre de la concertation préalable à la publication des textes réglementant l’exercice infirmier en pratique avancée, nous, organisations soussignées, Collège de la Médecine Générale, Adessadomicile, ANEMF, C3Si, FFD, FFMPS, FMF, FNCS, FNESI, France Assos Santé, FSP, ISNAR-IMG, Les Généralistes-CSMF, MG France, ReAGJIR, SFMG, SFTG, SML, SNIIL, SNJMG, USMCS, avons l’honneur de porter à votre connaissance notre demande commune de développer la pratique avancée infirmière en soins primaires.
Lors de votre discours prononcé le samedi 7 avril 2018 devant un millier de médecins généralistes participant au 12ème Congrès de la Médecine Générale France, vous nous avez indiqué qu’à vos yeux, « la médecine générale est la discipline-clé de la transformation du système de santé ». Vous avez également affirmé que « les infirmières et infirmiers en pratique avancée auront un rôle majeur à jouer auprès du médecin traitant pour renforcer la qualité et la pertinence des parcours des patients atteints de maladies chroniques stabilisées, tout en économisant du temps médical ».
Pour que votre vœu, que nous partageons, puisse se réaliser, il est indispensable que les textes réglementaires concernant les infirmières et les infirmiers exerçant en pratique avancée (IPA) intègrent un domaine d’intervention comprenant les spécificités des parcours et prises en charge en médecine générale, et notamment les pratiques en équipe de soins primaires.
Sans mention de cette spécificité dans le futur décret, les universités ne pourront pas construire avec les enseignants en médecine générale, en spécialités et en sciences infirmières un programme de master adapté aux futures IPA en soins primaires. Comme de nombreuses organisations signataires ont pu le souligner – en vain – depuis près de deux mois, le décret IPA, tel qu’il est écrit à ce jour, est dédié à des spécialités essentiellement hospitalières (oncologie, néphrologie) et à 8 pathologies chroniques stabilisées conçues « en silos » qui ne correspondent pas à la logique de prise en charge globale des patients en soins primaires. Six de ces huit pathologies ne figurent pas même dans la liste des cinquante premiers motifs de consultation en médecine générale1.
Nous proposons donc simplement la modification dans le décret IPA du domaine d’intervention « pathologies chroniques stabilisées » en « pathologies chroniques stabilisées, polypathologies, actions de prévention et autres prises en charge en soins primaires ».
Plusieurs organisations scientifiques et professionnelles se sont déjà portées volontaires pour participer à un groupe de concertation qui écrirait avec vos services un référentiel d’activités et de compétence prenant en compte les spécificités des parcours des patients et les pratiques professionnelles en soins primaires.
Les activités, les compétences et la formation des IPA en soins primaires sont un sujet primordial pour le développement des soins primaires, l’accessibilité pour tous, en proximité, à des parcours de santé pertinents et de qualité, et la réduction des recours inappropriés aux urgences et à l’hospitalisation, qui comptent parmi les principaux axes de la stratégie nationale de santé 2018-2022.
En vous remerciant de votre attention, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre plus haute considération.
Organisations signataires
Collège de la Médecine Générale / Adessadomicile / Association Nationale des Étudiants en Médecine de France (ANEMF) / Confédération des centres de santé et des services de soins infirmiers (C3Si) / Fédération Française des diabétiques (FFD) / Fédération Française des Maisons et Pôles de Santé (FFMPS) / Fédération des Médecins de France (FMF) / Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS) / Fédération Nationale des Etudiants en Soins Infirmiers (FNESI) / Fédération des Soins Primaires (FSP) / France Assos Santé / InterSyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (ISNAR-IMG) / Les Généralistes CSMF / MG France / Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants (ReAGJIR) / Société Française de Médecine Générale (SFMG) / Société de Formation Thérapeutique du Généraliste (SFTG) / Syndicat des Médecins Libéraux (SML) / Syndicat National des Infirmières et Infirmiers Libéraux (SNIIL) / Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG) / Union Syndicale des Médecins des Centres de Santé (USMCS)
PJ : Propositions de modifications au décret
1 Classement des 50 résultats de consultations les plus fréquents, par actes pour tous les patients, pour l’année 2009. Observatoire de la Médecine Générale 2010 – SFMG
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Décret n° 2018-XXXX du XX XX 2018 relatif aux domaines d’intervention, aux conditions et aux règles s’appliquant à l’infirmier exerçant en pratique avancée
Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre des solidarités et de la santé,
Vu le code de la santé publique, notamment l’article L. 4301-1;
Vu l’avis de l’Académie nationale de médecine en date du;
Vu l’avis du Haut Conseil des professions paramédicales en date du ;
Le Conseil d’État (section sociale) entendu,
Décrète :
Article 1er – Au début du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, partie réglementaire, il est ajouté un titre préliminaire intitulé « exercice en pratique avancée » comprenant un chapitre 1er ainsi rédigé :
« Chapitre 1er
« Exercice infirmier en pratique avancée
Article R4301-1 :
L’infirmier exerce en pratique avancée, dans l’une des situations suivantes :
– en pratique ambulatoire :
- au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par un spécialiste de médecine générale, médecin traitant, ou d’une équipe de soins d’un centre médical du service de santé des armées coordonnée par un médecin des armées ;
- en assistance de l’activité professionnelle d’un médecin spécialiste, hors soins primaires,
– en établissements de santé, en établissements médico-sociaux ou en hôpitaux des armées, au sein d’une équipe de soins coordonnée par un médecin
Article R4301-2 :
L’infirmier exerçant en pratique avancée participe à la prise en charge globale du patient dont le suivi lui est confié. Il apporte son expertise de pratique avancée et collabore, dans ce cadre, avec l’ensemble des professionnels impliqués dans le parcours de soins du patient. La conduite diagnostique et les choix thérapeutiques sont définis initialement par le médecin et mis en œuvre dans le respect des conditions définies aux articles R4301-5 et 6.
L’infirmier exerçant en pratique avancée intervient, après validation de l’option du diplôme universitaire en pratique avancée correspondante dans les conditions définies à l’article D XXX du code de l’éducation, dans le ou les domaines d’intervention suivants, en tenant compte des spécificités des pratiques ambulatoires et hospitalières, des organisations territoriales et de l’environnement global des patients :
– pathologies chroniques stabilisées, polypathologies, actions de prévention et autres prises en charge en soins primaires
– oncologie ;
– maladie rénale chronique, dialyse, transplantation rénale ;
– (psychiatrie et santé mentale, à confirmer).
Le domaine pathologies chroniques stabilisées, polypathologies courantes, actions de prévention et autres prises en charge en soins primaires, ainsi que les conditions dans lesquelles l’infirmier exerçant en pratique avancée est autorisé à prendre en charge un patient sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
Article R4301-3 :
Les domaines d’intervention définis à l’article R. 4301-2 comprennent des activités:
– d’orientation, d’éducation, de prévention et de dépistage ;
– d’organisation des parcours entre les soins de premier recours, les spécialistes de recours et les établissements et services de santé ou médico-sociaux ;
– d’évaluation et de conclusions cliniques.
Dans le cadre du suivi des patients, l’infirmier exerçant en pratique avancée est habilité à :
- Conduire un entretien avec le patient ;
- Réaliser une anamnèse de sa situation ;
- Procéder à un examen clinique ;
Afin de, en tant que de besoin :
- Évaluer l’adhésion et les capacités d’adaptation du patient ainsi que les risques liés aux traitements médicamenteux et non médicamenteux ;
- Prendre en compte l’environnement global du patient ;
- Réaliser des actes techniques nécessaires au suivi de la ou des pathologies ;
- Prescrire des examens complémentaires et demander des actes de suivi et de prévention nécessaires au suivi du patient ;
- Adapter le suivi du patient en fonction des résultats des actes techniques et des examens complémentaires
- Renouveler ou adapter des prescriptions médicales en cours ;
- Prescrire des médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire figurant sur la liste établie par l’ANSM en application de l’article R. 5121-202 du code de la santé publique ;
- Prescrire des dispositifs médicaux.
Sans préjudice des dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles applicables à la télémédecine, ces activités peuvent être réalisées en présentiel ou à distance via les technologies de l’information et de la communication.
Quels que soient le domaine et le secteur d’exercice, l’infirmier exerçant en pratique avancée assure le suivi des patients dans le respect du parcours de soins coordonné par le médecin traitant. Dans le cas d’une pratique avancée proposée par un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire, le médecin traitant doit en être informé spécifiquement dans un soucis de cohérence du parcours.
Article R4301-4 :
Pour l’application de l’article R. 4301-3, un arrêté du ministre chargé de la santé, pris après avis de l’Académie nationale de médecine, établit la liste :
– des prescriptions médicales que l’infirmier exerçant en pratique avancée est autorisé à renouveler ou à adapter ;
– des examens de biologie médicale qu’il est autorisé à prescrire;
– des actes de suivi et de prévention qu’il est autorisé à demander;
– des actes techniques qu’il est autorisé à pratiquer ;
– des dispositifs médicaux qu’il est autorisé à prescrire ;
Article R4301-5 :
Dans le cadre de leur coopération, est établi préalablement un protocole d’organisation précisant les règles de collaboration entre le médecin et l’infirmier exerçant en pratique avancée qui contient :
– les modalités de prise en charge du patient par l’infirmier exerçant en pratique avancée ;
– les recommandations établies par la haute autorité de santé et les protocoles de soins définis par l’équipe;
– les modalités et la régularité des échanges d’information notamment dans le cadre des réunions de concertation pluriprofessionnelle mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 4301-6 ;
– les conditions de retour du patient vers le médecin y compris celles définies au dernier alinéa de l’article R. 4301-6 ;
– la conduite à tenir en cas d’alerte.
Ce document est signé par le médecin et l’infirmier exerçant en pratique avancée. Il est porté à la connaissance de l’ensemble de l’équipe.
Le médecin, en lien avec l’infirmier exerçant en pratique avancée, décide des patients auxquels un suivi par cet infirmier sera proposé. Cette décision est prise après examen du dossier médical individuel et en référence aux compétences attestées par le diplôme universitaire en pratique avancée détenu par cet infirmier. L’infirmier exerçant en pratique avancée assure la prise en charge du patient dans le respect des dispositions prévues dans le présent article.
Article R4301-6 :
Dans le cadre de l’article L. 1110-4 de ce même code, le médecin et l’infirmier exerçant en pratique avancée, partagent les informations nécessaires au suivi du patient. Le médecin met à la disposition de l’infirmier exerçant en pratique avancée le dossier médical du patient et les autres pièces nécessaires à son suivi. Les résultats des interventions de l’infirmier exerçant en pratique avancée sont consignés dans le dossier médical et le médecin en est tenu informé. La transmission de ces informations se fait par moyens de communication sécurisés.
Des réunions de concertation pluriprofessionnelle sont organisées par l’équipe afin de discuter de la prise en charge des patients suivis par l’infirmier exerçant en pratique avancée.
Lorsque l’infirmier exerçant en pratique avancée repère une dégradation de l’état de santé du patient ou une situation dont la prise en charge dépasse son champ de compétences, il l’adresse au médecin et en informe ce dernier.
Article R4301-7 :
Le médecin informe le patient des modalités prévues de sa prise en charge par l’infirmier exerçant en pratique avancée y compris la fréquence à laquelle il souhaite le revoir. Ces modalités figurent dans un document, validé par l’équipe, remis au patient, ou, le cas échéant, à sa personne de confiance ou aux parents, lorsqu’il s’agit d’une personne mineure. Ce document est versé au dossier du patient.
Le document contient également les informations suivantes :
- la composition de l’équipe ;
- la possibilité de refus par le patient de son suivi par l’infirmier exerçant en pratique avancée sans que cela n’ait de conséquence sur sa prise en charge ;
- les conditions de retour vers le médecin sur décision de l’infirmier exerçant en pratique avancée, dans les situations mentionnées au dernier alinéa de l’article R. 4301-6, ou sur demande du patient ;
- les modalités garantissant le respect de la confidentialité des données personnelles du patient lors de leur transmission entre le médecin et l’infirmier exerçant en pratique avancée.
Article R4301-8 :
Au sein de l’équipe, l’infirmier exerçant en pratique avancée contribue à l’analyse et à l’évaluation des pratiques professionnelles infirmières et à leur amélioration ainsi qu’à la diffusion de données probantes et à leur appropriation.
Il participe à l’évaluation des besoins en formation de l’équipe et propose des réponses adaptées notamment des actions de formation.
Il contribue à la production de connaissances en participant à des travaux de recherche dans le champ des sciences contribuant à l’exercice infirmier.
Article R4301-9 :
L’infirmier exerçant en pratique avancée est responsable des actes qu’il réalise dans ce cadre.
Il est tenu, ou son employeur le cas échéant, de se conformer à l’obligation d’assurance prévue à l’article L. 1142-2 du présent code. »
Article 2 – La ministre des solidarités et de la santé est chargée de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le XX XX 2018
Par le Premier ministre :
La Ministre des Solidarités et de la Santé,
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